Souveraineté alimentaire européenne : le champ du foncier agricole

Les terres agricoles ne nourrissent en effet pas seulement les hommes mais aussi la réflexion sur la notion ici étudiée. Elles lui offrent d’abord un socle stable en permettant de l’appréhender par-delà

l’actualité immédiate. L’artificialisation des terres agricoles européennes, leur concentration excessive comme leur accaparement par des investisseurs, étrangers notamment, sont autant de menaces pour la souveraineté alimentaire européenne qui préexistaient à l’émergence de la notion. La durabilité des systèmes de production agricole renvoie aussi à la définition originelle de la souveraineté alimentaire forgée par La Via Campesina dans la Déclaration de Rome de 1996. L’analyse de la souveraineté alimentaire européenne à l’aune des enjeux fonciers agricoles permet ensuite d’enrichir la notion. La volonté européenne de disposer du pouvoir du « dernier mot » en matière alimentaire se traduit ainsi par des incidences très concrètes, et jusqu’ici peu étudiées, sur l’accès et l’utilisation des terres agricoles des Etats tiers. Les « clauses miroirs » susceptibles d’être introduites dans les accords de libre-échange de l’UE accélèreraient ce phénomène.

Si le foncier agricole fournit une clé de compréhension de la souveraineté alimentaire européenne, il en éclaire aussi les fragilités. La première et plus fondamentale porte sur les titulaires – les Etats membres ou l’UE ? – de cette déclinaison européenne de la souveraineté. Plus symbolique que la notion d’ « autonomie stratégique ouverte » jusqu’alors privilégiée à l’échelle européenne, l’usage du terme de « souveraineté » questionne bien sûr le dépassement du modèle de la souveraineté nationale depuis l’avènement de la construction européenne. Or, l’UE est dépourvue de compétence explicite en matière d’aménagement du territoire et la propriété privée – donc l’usage des parcelles agricoles – échappe en théorie à sa sphère d’intervention. Son influence sur les droits nationaux s’avère pourtant considérable en ces domaines. Le caractère alimentaire de cette souveraineté européenne interroge aussi la capacité de ses titulaires, quels qu’ils soient, à l’exercer. Le reflet, dans la législation de l’UE en matière agricole et alimentaire, des règles édictées par l’Organisation mondiale du commerce – celles-là mêmes qu’entendaient infléchir les concepteurs de la notion de souveraineté alimentaire – limite sa liberté autoproclamée de choisir. Ce carcan juridique n’empêchera heureusement pas les intervenants au colloque de donner aux participants, à travers les enjeux fonciers agricoles, la clé des champs !

Nouveau mantra du discours politique, la souveraineté alimentaire européenne s’est forgée dans les crises qu’a affrontées l’Union européenne (UE) depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie en 2022 jusqu’aux vicissitudes de la politique douanière engagée par les Etats-Unis depuis la réélection du Président Donald Trump en 2024. Ces conflits ont mis en évidence les liens de dépendance et d’interdépendance en matière agricole et alimentaire aux niveaux européen et mondial, appelant à une action coordonnée des Etats membres de l’UE pour réduire leur vulnérabilité. Bien qu’au cœur des remèdes préconisés, le foncier agricole et, au-delà, l’aménagement du territoire, demeurent des terrains encore largement inexplorés par les travaux universitaires. C’est tout l’enjeu du colloque que de saisir, au prisme du foncier agricole, ce concept nouveau et fuyant de souveraineté alimentaire européenne.

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Mardi 14 OCTOBRE

9H – OUVERTURE

Virginie LAVAL, Présidente de l’Université de Poitiers

Marianne FAURE-ABBAD, Doyenne de la faculté de droit de Poitiers

Serge BOULANGER, Préfet de la Vienne

Hugo FLAVIER, Réseau Europe, Droit et Action Publique (EDAP) de Nouvelle-Aquitaine

9H30 – PROPOS INTRODUCTIFS

Alain LAMASSOURE, Ancien ministre et député européen

PARTIE1 : DES TERRES AGRICOLES EUROPÉENNES À CONQUÉRIR

sous la présidence de François BRENET, Professeur de droit public à l’Université de Poitiers

LES TERRES EUROPÉENNES DEJA UTILISÉES

Le foncier agricole nécessaire à la souveraineté alimentaire européenne, terre de concurrence – Loïc JEGOUZO, Adjoint du responsable du Service études, veille et prospective, Fédération nationale des Safer

Urbanité et espaces agricoles – Jean-François GIACUZZO, Professeur de droit public à l’Université de Toulouse

Les racines européennes de l’agriculture urbaine – Jean-Victor MAUBLANC, Maître de conférences en droit public à l’Université de Poitiers

11H-11H15 -ECHANGE AVEC LES PARTICIPANTS ET PAUSE CAFÉ
LES TERRES EUROPÉENNES DE COCAGNE

Espaces incultes : terres fertiles ? – Benoît GRIMONPREZ, Professeur de droit privé à l’Université de Poitiers

Le rewilding, un facteur de reconfiguration post-brexit de l’usage du foncier agricole au RoyaumeUni ? – Régis BARRAUD, Professeur de géographie à l’Université de Poitiers

Des réservoirs de foncier agricole : la reconquête des friches agricoles européennes – Maxime BINET, Doctorant en droit privé à l’Université de Poitiers

14H – PARTIE 2 : DES TERRES AGRICOLES EUROPÉENNES À ADMINISTRER

sous la présidence de Ronan RAFFRAY, Professeur de droit privé à l’Université de Bordeaux

L’USAGE DES TERRES AGRICOLES EUROPÉENNES

Changer l’usage des terre agricoles européennes au nom de la souveraineté alimentaire et du changement climatique – Andy SMITH, Directeur de recherche en science politique à la Fondation nationale des sciences politiques à Sciences Po Bordeaux

Souverainetés alimentaire et énergétique : les enjeux de la sécurisation foncière des installations agrivoltaïques en espaces agricoles – Joséphine JEANCLOS, Avocate associée, Glaz avocats

Le contrat, outil de conciliation entre la propriété foncière et la protection de la ressource en eau ? – Aurore VALMARY, Docteure en droit, chargée des montages contractuels Eau (SMO TGA)

L’usage européen d’intrants chimiques : une souveraine dépendance ? – Inès BOUCHEMA, Postdoctorante en droit privé à l’Université de Poitiers

La protection du foncier nourricier – Raphaèle-Jeanne AUBIN-BROUTE, Maître de conférences en droit privé à l’Université de Poitiers

15H45-16H00 -ECHANGE AVEC LES PARTICIPANTS ET PAUSE CAFÉ
L’ACCÈS AUX TERRES AGRICOLES EUROPÉENNES

L’accès à la terre comme pilier du renouvellement générationnel : le cas d’un observatoire européen des terres agricoles – Rubén FRANCO PESCADOR, Chargé de mission à la Commission européenne, Direction générale de l’agriculture et des espaces ruraux

L’exception foncière française, pilier de la souveraineté alimentaire européenne – Clémence PELLETIER, Juriste de la Chambre d’agriculture de la Vienne

Souveraineté alimentaire et restrictions au commerce des terres agricoles en Pologne – Pawel WOJCIECHOWSKI, Professeur de droit agricole et alimentaire à l’Université de Varsovie

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17h30 – Présentation de l’exposition photographique « Hirondelles » de Stéphane RIBRAULT, Photographe

18h – Choix souverain de dégustation : vins AOC du Haut-Poitou ou cocktail à base de Cognac Monnet et d’Artonic conçu par les étudiants d’Elixir

 

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MERCREDI 15 OCTOBRE

9H – PARTIE 3 : DES TERRES AGRICOLES MOBILISÉES PAR-DELA L’EUROPE

sous la présidence d’Anne-Laure GIRARD, Professeure de droit public à l’Université Paris II. Panthéon-Assas

L’IMPACT SUR LES TERRES AGRICOLES DES ÉTATS TIERS

L’influence de l’Union européenne sur l’agriculture et l’accaparement des terres en Turquie – Senem ATVUR & Ceren UYSAL OGUZ, Maîtres de conférences en relations internationales à l’Université Akdeniz d’Antalya (Turquie)

La souveraineté alimentaire en Europe et son influence sur le secteur agricole argentin – Georgina Lucy ETCHEGARAY SUAREZ, Secrétaire académique de l’Institut des sciences fondamentales et appliquées de l’Université Villa María (Argentine) & José Luis VOLANDO, Professeur adjoint en droit à l’Université Villa María, vice-président de la Fédération agraire argentine

Union européenne et Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), un partenariat pour le foncier au service de la sécurité alimentaire – Antoine HOCHET, Expert Gouvernance foncière à la FAO, Ward ANSEEUW, Chef d’équipe Politiques foncières à la FAO & Philippe KARPE, Directeur de recherche en droit au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD)

La clause miroir, reflet d’un gain potentiel de souveraineté alimentaire ou simple mirage ? – Olivier BICHSEL, Doctorant en cotutelle aux Universités de Bordeaux et Laval (Canada), Directeur adjoint de la Chaire Jean Monnet en intégration européenne de l’Université Laval

11H-11H15 -ECHANGE AVEC LES PARTICIPANTS ET PAUSE CAFÉ
LES SPÉCIFICITÉS ULTRA-MARINES :ÉTUDE DE CAS EN GUADELOUPE

Quels soutiens publics pour favoriser la transition du foncier agricole vers l’autonomie alimentaire ? Construction de scénarios par modélisation en Guadeloupe – Jean-Marc BLAZY, Directeur de recherches INRAE, Unité de recherches sur les agrosystèmes tropicaux

La politique agricole dans les outre-mers à la croisée de l’intégration européenne et des usages fonciers hérités : le cas de la Guadeloupe – Yves MONTOUROY, Maître de conférences en sciences politiques à l’Université de Grenoble

PROPOS CONCLUSIFS

Laurence POTVIN-SOLIS, Professeure de droit public à l’Université Paris Est-Créteil, Directrice fondatrice de la collection « Colloques Jean Monnet » des Éditions Bruylant, Bruxelles

 

 

Programme complet du Colloque Souveraineté alimentaire européenne en PDF

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